Théâtre, pouvoir, politique : regarder autrement Colloque annuel de la Société québécoise d’études théâtrales 24 et 25 mai 2017 Université du Québec à Montréal

« Tout art est politique. Tout artiste se situe par rapport au pouvoir, qu’il-elle le sache ou non, dans sa façon de présenter son monde. » (Pol Pelletier, La robe blanche)

L’art implique un espace de parole où s’installe un jeu de pouvoir oscillant entre charisme et autorité, où les artistes cherchent à renouveler les moyens à leur portée pour légitimer leurs créations, notamment par le biais d’un art citoyen. Dans son ouvrage Théâtres contemporains : mythes et idéologies, Isabelle Barbéris (2010) défend la fonction socialement active du théâtre et prend position sur les bouleversements socio-esthétiques qu’elle remarque dans le théâtre européen. Pour sa part, Henri-Pierre Jeudy (1999) parle de « culture sparadrap » pour qualifier la tendance qui consiste à soutenir des opérations culturelles dont le but est de panser la fracture sociale. Selon ce point de vue, c’est la dimension subversive de la création qui perd de son importance dès lors qu’on lui assigne une vocation réparatrice au service du politique. Plus près de nous, les chercheures Maureen Martineau et Danielle Lepage (2007) se questionnent sur le sens à donner aux actions qu’elles posent dans le cadre de leur pratique artistique engagée, alors qu’Erik Bordeleau (2012) interroge le rapport entre anonymat et résistance politique.

C’est à une entreprise autoréflexive sur la place et le rôle de l’art aujourd’hui que nous vous convions dans le cadre du colloque annuel 2017 de la Société québécoise d’études théâtrales, afin de renouveler le regard posé sur nos champs de recherche. Les activités proposées pourront se situer autour de quatre grands pôles de réflexion ancrés dans le contemporain :

1. L’engagement citoyen. Depuis quelques années, en marge de la pratique théâtrale, des artistes, des compagnies et des institutions mettent en place diverses actions culturelles qui en appellent à la participation citoyenne : forums (CEAD) et rencontres-débats (Théâtre Aux Écuries) essaiment. Le théâtre documentaire connaît aussi un essor certain, notamment avec la compagnie PorteParole ou encore avec les créations du duo Proulx-Cloutier/Barbeau-Lavallette. Quels sont les possibles, mais aussi les écueils de ces pratiques ? Quel ethos mettent-elles de l’avant ? Comment lire ces formes actuelles de l’engagement ?

2. Le renouveau du théâtre féministe. Quels discours déploie la jeune dramaturgie féministe contemporaine ? Quels sont les points de rencontre ou de friction entre les imaginaires scéniques du Théâtre de l’Affamée, de Bye Bye Princesse ou de projet hybris ? Comment se dessine la filiation – ou la rupture – de ce théâtre avec le « théâtre des femmes » qui l’a précédé ? Comment ce renouveau se conjugue-t-il avec l’invisibilité des femmes dans plusieurs sphères de la production théâtrale actuelle ? Quelles nouvelles perspectives théoriques permettent d’éclairer ces questions ?

3. Les enjeux de racisation, de diversité et d’exclusion. « L’Autre » est toujours une construction discursive, traversée par un faisceau de déterminants historiques et sociaux. Comment le théâtre actuel prend-il part à la construction de l’altérité ? Quelles dynamiques d’altérisation met-il au jour ? Participe-t-il, par exemple, d’une persistance de l’exclusion ou de l’invisibilisation des autochtones, des personnes racisées1 ou des gens appartenant aux communautés LGBTQA ? La scène nous renvoie-t-elle le reflet, déformé et partiel, d’une société blanche, hétéronormée et capacitiste ? Peut-elle, aussi, faire acte de résistance ? Comment ? Quelles postures éthiques pouvons-nous adopter à l’égard de ces enjeux ? Avec quels outils théoriques pouvons-nous les appréhender ?

4. Le politique qu’on efface et les limites de l’art citoyen. Une certaine forme de théâtre politique semble aujourd’hui reléguée à la marge et au passé. Des dramaturgies traversées par le discours nationaliste ou féministe (Loranger, Marchessault) ne trouvent plus le chemin de la scène et ne font presque plus l’objet d’études savantes. Ce phénomène est-il soluble dans celui du rejet du répertoire au profit du « tout-à-la-création » ? Cet effacement témoigne-t-il plutôt d’un refus idéologique ou d’une culture de l’oubli ? Comment l’interpréter ? Enfin, quelles sont les limites possibles, aujourd’hui, de l’art citoyen ? Peut-il échapper à son instrumentalisation et, ce faisant, se dérober aux injonctions – culturelles, politiques, économiques – de la « culture sparadrap » ?

Les présentations peuvent inclure des démonstrations pratiques dans des conditions techniques minimales. Les communications pourront se faire en anglais, auquel cas un exemplier et/ou un résumé en français devra être fourni.

Les personnes intéressées sont priées de faire parvenir une proposition de communication de 250 mots ainsi qu’une courte biographie au plus tard le 6 janvier 2017 à l’adresse suivante : sqetregarderautrement@gmail.com Comité organisateur :

Catherine Cyr, professeure, Université du Québec à Montréal

Marie-Josée Plouffe, professeure, Université du Québec à Trois-Rivières

Sara Thibault, doctorante, Université du Québec à Trois-Rivières